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Le vieillissement de la population représente un défi majeur pour le Québec. Presque tous les pays développés connaissent une croissance rapide du nombre d’aînés. Au Québec, toutefois, ce vieillissement est un des plus rapides du monde, parce qu’il a coïncidé avec des décennies de très faible natalité. Ce vieillissement est aussi le fait d’un grand progrès : l’amélioration des conditions de vie qui permettent à un grand nombre de citoyens d’avancer en âge en demeurant en bonne santé. L’enjeu pour nous consiste à savoir faire une place à ces aînés, à trouver comment profiter de leur riche expérience, et à savoir prendre soin de ceux qui ont besoin d’aide et qui perdent leur autonomie.
Notre gouvernement a exprimé cette priorité accordée aux aînés en nommant pour la première fois une ministre qui se consacre entièrement aux questions qui les concernent. Dans cette foulée, plusieurs actions ont été accomplies, notamment l’attribution d’une aide aux municipalités pour adapter les politiques et les services qui leur sont destinés, un soutien accru offert aux organismes communautaires voués aux personnes aînées, ou encore la création du Fonds de soutien aux proches aidants qui accompagnent un parent vieillissant.
Le Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées est une autre disposition d’importance prise par notre gouvernement en vue de favoriser le mieux-être des aînés et de prévenir la perpétration d’abus à leur égard.
Ce plan cherchera à déclencher une prise de conscience sur le respect et la reconnaissance qui sont dus à ceux qui ont bâti notre société. Il rassemble dans une initiative commune plusieurs ministères et organismes publics. Il fait appel à la population en général et à l’engagement individuel et collectif afin d’assurer à nos aînés des environnements sécurisants et exempts de toute forme de maltraitance.
C’est un pas important vers un Québec meilleur, encore plus respectueux de ses bâtisseurs et de la dignité des personnes.
Jean Charest
Premier ministre du Québec
À l’automne 2007, j’avais l’honneur de coprésider une consultation publique sur les conditions de vie des aînés du Québec. Plus de 4 000 personnes ont témoigné de l’existence de la maltraitance envers les aînés ainsi que de la souffrance engendrée chez celles et ceux qui la vivent. J’ai ainsi été sensibilisée aux différents visages que peut prendre ce phénomène.
Devant la réticence à dénoncer et le mutisme qui continue trop souvent d’entourer les actes de maltraitance, il importe de rappeler leur caractère inadmissible. Il est de toute première importance de sensibiliser l’ensemble de la population à cet égard et de se doter de mécanismes qui permettront d’intervenir plus efficacement afin de soutenir un plus grand nombre de personnes aînées.
Au cours des trente dernières années, le gouvernement du Québec a mis en place différentes politiques et mesures visant à contrer la violence envers les femmes, les jeunes et les enfants. Le Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015 s’inscrit dans la même lignée. Il témoigne de notre volonté de promouvoir l’égalité entre les personnes de tous les âges, peu importe leur condition.
D’une durée de cinq ans, ce plan cible toutes les personnes aînées, qu’elles soient autonomes et en bonne santé ou vulnérables et en perte d’autonomie. Il démontre la détermination avec laquelle notre gouvernement s’est engagé à accroître la qualité de vie des aînés et à stimuler leur pleine participation à notre société.
Je vous encourage à vous approprier les objectifs de ce plan d’action, dont le succès repose sur la mise en commun des efforts de tous et chacun. De mon côté, je m’engage résolument à tracer la voie.
Marguerite Blais
Ministre responsable des Aînés
Les ministères et organismes suivants ont contribué à la production de ce plan d’action gouvernemental ainsi qu’à la définition et à l’élaboration des mesures qui y sont proposées :
Les personnes suivantes ont participé, à titre d’experts, à l’élaboration du chapitre consacré à l’état des connaissances sur la maltraitance envers les personnes aînées et à l’idéation de mesures contenues dans ce plan d’action :
Mme Marie Beaulieu, Ph.D.
Professeure et chercheure
Département de travail social, Université de Sherbrooke
Centre de recherche sur le vieillissement,
Centre de santé et de services sociaux de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke
Mme Maxine Lithwick
Conseillère-cadre,
Clinique Perte d’autonomie liée au vieillissement
Centre de santé et de services sociaux Ahuntsic et Montréal-Nord
Mme Denise Proulx
Coordonnatrice
Table de concertation « Abus auprès des aînés » de la Mauricie
M. Yvon Riendeau
Gérontologue social et sexologue
Agent de formation en centre local de santé communautaire,
en centre d’hébergement et de soins de longue durée,
en centre hospitalier et en office municipal d’habitation
Chargé de cours, Université du Québec à Montréal
Sur le plan international, le Québec représente, après le Japon, la société où la proportion de personnes aînées passera de 12 à 24 % dans le plus court laps de temps, soit 29 ans1. De 1986 à 2009, le groupe des personnes âgées de plus de 65 ans y est passé de 657 430 (9,8 %) à 1,2 million (14,9 %) d’individus alors qu’en 2031, il est prévu qu’il représentera 25,6 % de la collectivité québécoise, soit 2,3 millions de personnes2.
Dès 1982, le Québec participait, à Vienne, à la première Assemblée mondiale sur le vieillissement organisée par l’Organisation des Nations unies. Un plan d’action international sur le vieillissement a alors été adopté dans lequel on retrouve une orientation quant aux mesures à prendre pour garantir les droits des personnes âgées, dans le cadre des droits proclamés dans les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. En avril 2002, dans le but d’approfondir sa réflexion sur le contexte démographique inédit, le Québec prenait part à la deuxième Assemblée mondiale des Nations unies sur le vieillissement. Les représentants des différents pays participants se sont alors penchés sur les défis posés par les profondes transformations démographiques mondiales. À l’issue de cette rencontre, les délégués ont adopté unanimement le Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement3. Ce plan d’action a pour but de faire en sorte que chacun puisse vieillir dans la sécurité et la dignité et participer à la vie de sa collectivité en tant que citoyenne ou citoyen disposant de tous ses droits.
Guidé par ces recommandations, le Québec a entrepris divers travaux de réflexion. Le forum des générations de 2004, la consultation de 2005 et le rapport Une pleine participation des aînés au développement du Québec afin de construire un Québec pour tous les âges4 ainsi que la consultation publique sur les conditions de vie des aînés de 2007 et son rapport Préparons l’avenir avec nos aînés5 ont contribué à orienter l’action gouvernementale québécoise. Toutes ces actions témoignent de la volonté du gouvernement de se doter d’une vision en matière de vieillissement actif.
Parmi les enjeux fréquemment soulevés lors de ces travaux est ressortie la nécessité de lutter d’une manière plus efficiente contre le phénomène de la maltraitance, c’est-à-dire, de lutter contre les diverses formes de violence, d’abus, d’exploitation, de négligence ou de mauvais traitements envers les aînés.
À la suite du mandat que lui a confié le Conseil des ministres, la ministre responsable des Aînés, Mme Marguerite Blais, a entrepris l’élaboration d’un plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées. Ce plan d’action reflète la préoccupation du gouvernement en ce qui a trait au vieillissement de la population et aux enjeux qu’il suscite. Afin de le définir, une compréhension de la maltraitance faite aux aînés a tout d’abord été établie et des mesures concrètes ont été élaborées. Pour ce faire, treize ministères et organismes ainsi que plusieurs experts ont été mis à contribution. Le plan d’action se divise en deux parties : la première fait état de la maltraitance envers les personnes aînées et la seconde rassemble les actions que le gouvernement entend prendre afin de contribuer à la contrer.
Il ressort d’entrée de jeu que la maltraitance faite aux personnes aînées est peu connue ou reconnue, qu’elle prend diverses formes et touche plusieurs types de personnes. Plusieurs actions visent déjà à la prévenir, à la dépister et à intervenir. Il apparaît toutefois nécessaire de renforcer la cohérence des actions et la concertation entre les partenaires concernés.
Production
Ministère de la Famille et des Aînés
ISBN 978-2-550-59125-2 (imprimé)
ISBN 978-2-550-59124-5 (PDF)
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2010
Bibliothèque et Archives Canada, 2010
© Gouvernement du Québec
Le phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées n’est pas exclusivement québécois, il touche de nombreux pays.
Le phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées touche de nombreux pays. L’Organisation mondiale de la Santé s’est associée à l’International Network for the Prevention of Elder Abuse pour la promulgation, en 2006, de la Journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes aînées, soulignée le 15 juin de chaque année. Plusieurs pays, dont les États- Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Nouvelle-Zélande, sont déjà très engagés dans la lutte contre la maltraitance. Plus près de nous, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont élaboré des stratégies et des programmes pour la contrer et soutenir les personnes concernées.
Le Québec se préoccupe de la maltraitance à l’endroit des personnes aînées depuis plus d’une trentaine d’années. Différents groupes de réflexion et comités d’experts ont documenté cette question, notamment le Comité sur les abus à l’endroit des personnes âgées, qui a été mandaté par la ministre de la Santé et des Services sociaux, madame Thérèse Lavoie- Roux, en 1987, pour produire le rapport Vieillir… en toute liberté 6, et le Groupe d’experts sur les aînés, dont le rapport Vers un nouvel équilibre des âges 7 a été rendu public en 1992 par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les recommandations contenues dans ces deux rapports ont conduit à la création du Conseil des aînés, le 22 décembre 1992.
Le Conseil des aînés produit, en 1995, l’Avis sur les abus exercés à l’égard des personnes aînées 8, dans lequel il conclut qu’il faut lever le voile sur cette cruelle réalité et agir en s’inspirant des expériences fort valables réalisées dans divers milieux, en misant sur la concertation de tous les intervenants concernés et des aînés eux-mêmes. Dans la foulée de l’Année internationale des personnes âgées, en 1999, le Secrétariat aux aînés coordonne la réalisation de plusieurs projets.
La même année, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse lance une large consultation publique sur l’exploitation des personnes âgées. Elle produit, en 2001, l’imposant rapport L’exploitation des personnes âgées : vers un filet de protection resserré 9. Les recommandations contenues dans ce document traitent de sujets tels que la diffusion de l’information, la formation des intervenants, la continuité des services, l’adaptation des recours à la réalité des aînés et la nécessité d’une concertation de tous les acteurs. La Commission publie un rapport de suivi en 200510.
Plusieurs plans d’action et politiques ont vu le jour qui, sans s’attaquer spécifiquement à la problématique de la maltraitance envers les personnes aînées, ont créé des conditions propices pour en réduire la portée. Mentionnons, à ce titre, le plan d’action du Secrétariat aux aînés, Le Québec et ses aînés : engagés dans l’action – Engagements et perspectives 2001-2004, la politique de soutien à domicile Chez soi : le premier choix 11, et le document d’orientations ministérielles Un milieu de vie de qualité pour les personnes hébergées en CHSLD 12. Soulignons la politique gouvernementale À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité et son plan global de mise en oeuvre 13.À cela s’ajoute le Plan d’action 2005-2010 sur les services aux aînés en perte d’autonomie : un défi de solidarité 14, qui prévoit la mise en place, dans chaque territoire local, d’une table multisectorielle visant à contrer la maltraitance. Depuis, plus de la moitié des centres de santé et de services sociaux ont constitué des comités ou tables locales de concertation intersectorielle sur la maltraitance, 63 % des centres de santé et de services sociaux ont donné à leurs intervenants l’accès à une formation et près du tiers ont mis en place une équipe multidisciplinaire d’intervention en maltraitance. Certains centres de santé et de services sociaux ont confié à l’un de leurs intervenants le rôle de répondant en matière de maltraitance15.
Parallèlement aux actions gouvernementales, il faut souligner le travail des acteurs de différents milieux qui, par leur contribution, ont sensibilisé le grand public et les personnes aînées à la problématique de la maltraitance. On peut rappeler, à cet effet, la trousse SOSABUS, qui a été préparée conjointement par l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées et le Réseau québécois pour contrer les abus envers les aînés grâce à une subvention du ministère de la Famille et des Aînés. Lancée en janvier 2010, elle regroupe près de 80 outils de prévention, de dépistage, d’intervention ou de formation. Quelques initiatives novatrices réalisées dans les différentes régions du Québec y sont également présentées ainsi qu’un inventaire de programmes de formation. La trousse a été conçue avec l’objectif de soutenir les intervenants dans la lutte contre la maltraitance à l’endroit des personnes aînées.
En 2007, lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés du Québec, la question de la maltraitance a été fréquemment soulevée tant par des aînés que par des experts ou des intervenants, au point qu’est apparue la nécessité de convenir d’un plan gouvernemental visant la mise en place d’actions structurantes et concertées.
Quelques mesures du plan d’action ont déjà été annoncées à la fin de l’année 2009. Il en va ainsi de la collaboration avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui donne lieu à l’intervention, sur tout le territoire, d’une équipe spécialisée pour contrer l’exploitation des personnes aînées. Dans le cadre d’une autre collaboration, celle-ci avec l’Autorité des marchés financiers, un dépliant intitulé Trop beau pour être vrai? Méfiez vous! Protégez-vous de la fraude financière a été produit et diffusé. En outre, le ministère de la Famille et des Aînés a collaboré avec le Secrétariat à la condition féminine et le ministère de la Justice du Québec dans la campagne gouvernementale de sensibilisation aux agressions sexuelles, et un dépliant destiné aux aînés a été réalisé.
On observe donc que des progrès notables ont été accomplis et qu’il existe maintenant des acquis sur lesquels bâtir. Nos efforts doivent se poursuivre afin d’offrir un continuum de services efficaces permettant de prévenir, de dépister et d’intervenir, de manière à franchir de nouveaux pas dans la lutte contre la maltraitance envers les aînés.
Qui est maltraité ?
Qui maltraite ?
Comment prévenir ?
Un phénomène encore tabou à explorer davantage.
Le mot maltraitance est un terme générique couramment utilisé dans la francophonie internationale. Le présent plan d’action englobe toutes les façons de désigner les diverses formes de violence, d’abus, d’exploitation, de négligence ou de mauvais traitements envers les aînés.
Il existe plusieurs manières de définir la maltraitance* qui s’exerce à l’encontre des personnes aînées. La définition retenue par le gouvernement du Québec est celle de la Déclaration de Toronto sur la prévention globale des mauvais traitements envers les aînés, de l’Organisation mondiale de la Santé, en 2002 :
« Il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée**. »
* Fréquemment employé, le terme abus n’est pas retenu dans le cadre de ce plan d’action car il constitue une traduction littérale du terme anglais elder abuse. Son usage est toutefois correct quand il est utilisé pour parler d’une atteinte aux biens ou à l’argent (abus financier) ou d’une supercherie (abus de confiance).
** Source : Traduction libre tirée de : WORLD HEALTH ORGANIZATION, The Toronto Declaration on the Global Prevention of Elder Abuse, 17 novembre 2002.
Le milieu de vie d’une personne aînée est essentiellement le lieu où elle réside, et ce, quel qu’il soit : maison privée, condominium, logement dans un immeuble locatif, habitation à loyer modique, coopérative d’habitation, résidence pour personnes aînées ou centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). En mars 2008, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, 88,1 % des personnes âgées de 65 ans ou plus habitaient un domicile conventionnel, 8,2 % habitaient en résidences privées avec services, 3,1 % dans un CHSLD et 0,6 % dans une ressource de type familial ou intermédiaire du réseau de la santé et des services sociaux***.
***Sources : Formulaire interne AS-478 et Registre des résidences pour personnes âgées.
En raison des nombreuses formes que peut revêtir la maltraitance, il est difficile d’en faire une typologie exhaustive. De manière plus spécifique, les chercheurs ont l’habitude de catégoriser la maltraitance. Différents exemples de comportements ou d’attitudes sont généralement associés à chacune des catégories.
Types | Description |
---|---|
Maltraitance physique | Frapper une personne, la pousser, lui lancer des objets, la forcer à manger des aliments, l’enfermer, la manier avec rudesse, la faire attendre indûment pour aller à la salle de bain. |
Maltraitance psychologique ou émotionnelle | Porter atteinte à l’identité d’une personne, à sa dignité ou à son estime de soi, l’humilier, la menacer, l’agresser verbalement, l’infantiliser, l’ignorer, l’isoler, lui tenir des propos dégradants, porter atteinte à ses valeurs, croyances ou pratiques religieuses. |
Maltraitance sexuelle | Harceler une personne, lui faire des attouchements, faire de l’exhibitionnisme devant elle, l’agresser sexuellement, ridiculiser un aîné qui souhaite exprimer sa sexualité. |
Maltraitance matérielle ou financière | Soutirer de l’argent à une personne en faisant du chantage émotif, lui voler des bijoux, des biens ou des espèces, faire des pressions sur elle en vue d’en hériter, détourner des fonds qui lui appartiennent, la frauder par vol d’identité, par télémarketing, en utilisant de façon inappropriée des cartes de services bancaires ou une procuration bancaire. |
Violation des droits de la personne* | Discriminer une personne aînée en raison de son âge, lui imposer un traitement médical malgré son aptitude à décider elle-même. |
Négligence | Omettre de faire un geste alors que celui-ci serait nécessaire pour le bien-être de la personne aînée. Cette omission peut être intentionnelle ou découler d’un manque de connaissance ou de conscience d’une situation donnée. |
* Définition : Une personne peut toutefois être limitée dans l’exercice de ses droits, tel celui de gérer ses propres biens, à la suite d’un jugement du tribunal lui désignant un tuteur, un curateur ou un mandataire. Il s’agit alors de mesures de protection et non d’une violation de droits. Cependant, la personne protégée par un régime de protection (tutelle ou curatelle) ou par un mandat donné en prévision de son inaptitude est considérée apte à consentir à recevoir des soins si elle en comprend la nature et la portée, et cette aptitude à consentir doit être vérifiée chaque fois que des soins lui sont proposés.
Les personnes aînées peuvent faire l’objet de plus d’une forme de maltraitance, et ce, de la part d’un ou de plusieurs individus de leur entourage. À titre d’exemple, la maltraitance matérielle ou financière est souvent accompagnée de maltraitance psychologique ou émotionnelle. De fait, rares seraient les personnes touchées par un seul type de maltraitance 16.
Parler de signes de maltraitance renvoie inévitablement à la question du dépistage. Quoi observer? Quelles questions poser? À qui les poser? Il existe différentes façons de faire du dépistage. Mentionnons les suivantes :
La maltraitance pouvant prendre des formes diverses (physique, psychologique, matérielle…) et se produire dans des contextes variés, il est donc naturel que les personnes susceptibles de la détecter proviennent, elles aussi, de différents milieux de vie ou de travail. Or, bien que tout individu soit capable de relever certains signes de maltraitance, on comprendra que certaines personnes sont mieux placées pour la détecter : les personnes travaillant dans des institutions financières, pour s’inquiéter des trop nombreux retraits effectués dans un compte bancaire, ou le personnel soignant, pour remarquer des signes de violence sur des parties du corps habituellement dissimulées par des vêtements.
En raison de la diversité et de la complexité du phénomène, il serait présomptueux de tenter de dresser une liste exhaustive des indices de maltraitance, d’autant plus que souvent, ils ne sont révélateurs qu’une fois conjugués à d’autres indices. Il est important de préciser que des indices très diversifiés peuvent être présents dans différents types de maltraitance, et que quelques-uns, comme le manque d’hygiène ou la dépression, peuvent être considérés comme des symptômes de maltraitance*.
*Bien que ces deux notions puissent parfois se recouper, il ne faut pas confondre le symptôme et l’indice. Le premier est le signe apparent d’un état sous-jacent existant (par exemple une maladie) alors que le second comporte un élément de probabilité. Un symptôme est toujours un indice alors qu’un indice n’est pas nécessairement un symptôme.
Types de maltraitance | Indices possibles |
---|---|
Maltraitance physique | Ecchymoses, blessures, réponses évasives ou défensives aux questions liées à un incident, histoire familiale de violence ou d’agression, changement dans les comportements, perte de poids, malpropreté de l’environnement physique. |
Maltraitance psychologique ou émotionnelle | Dépendance, dépression, manque d’hygiène, pertes cognitives (en particulier, déclin rapide)18. |
Maltraitance sexuelle | Plaies dans la région génitale ou anale, infections génitales, irritation génitale ou vésicale, problème de sommeil, angoisse excessive de la personne lorsqu’on la change de vêtements ou qu’on lui fait prendre son bain, comportements agressifs, dépression, méfiance envers les autres. |
Maltraitance matérielle ou financière | Plus grand nombre de transactions bancaires, transactions immobilières inhabituelles, accumulation d’objets inutiles, disparition d’objets de valeur. |
Violation des droits de la personne* | Privation du droit de consentement aux soins ou du droit de refus de traitement, non-respect de la confidentialité des renseignements personnels, privation du droit d’une personne de gérer ses propres fonds ou ses propres biens alors qu’elle est en mesure d’exercer ses droits de façon autonome ou avec un minimum d’assistance ou souhaite le faire. |
Négligence | Manque d’hygiène, malnutrition, affections cutanées, problèmes d’élimination (constipation, problèmes urinaires), isolement social. |
C’est bien souvent à contrecoeur que les personnes aînées, femmes ou hommes, portent plainte ou dénoncent la maltraitance qu’elles subissent. Parce qu’elles éprouvent de la honte ou parce qu’elles souhaitent protéger quelqu’un, elles auront même plutôt tendance à la dissimuler. Cette attitude contribue à faire de cette question un sujet tabou.
De plus, nombre d’entre elles ne réalisent pas qu’elles sont maltraitées; au coeur d’une dynamique relationnelle déficiente, elles ne se rendent pas compte qu’elles sont peu à peu passées d’une situation désagréable à une situation de maltraitance. D’où la très grande importance de mieux reconnaître les principaux indices de maltraitance afin d’y mettre fin ou d’orienter les personnes vers les ressources appropriées.
L’existence de la maltraitance est un phénomène dont témoignent plusieurs études réalisées dans différents pays. Les enquêtes populationnelles récentes révèlent que les cas de maltraitance les plus fréquents sont des cas de négligence, bien que le taux de prévalence puisse varier en fonction des critères utilisés ou du degré de profondeur des entrevues. Ce taux est de 8,6 % en Angleterre19, de 16 % en Espagne20 et de 26 % en Israël 21. Dans la majorité des études populationnelles, la maltraitance matérielle ou financière arrive au deuxième ou au troisième rang.
Selon deux grandes études pancanadiennes effectuées l’une à la fin des années 1980 et l’autre à la fin des années 1990, 4 % des personnes âgées vivant à domicile sont aux prises avec une forme ou une autre de maltraitance infligée par leurs proches, en particulier sur le plan matériel ou financier 22. Avec des critères de mesure plus raffinés, la seconde étude montre un taux de prévalence de 7 % 23. Il serait, toutefois, erroné de conclure que la maltraitance a quasiment doublé en dix ans. L’augmentation que l’on note d’une étude à l’autre s’explique notamment par le fait que les mesures prises lors de la seconde étude étaient plus sensibles. Selon les chercheurs, ces données ne représentent qu’une portion de la réalité, en raison des limites méthodologiques de ce type d’enquête : d’une part, les personnes interrogées doivent être en mesure de répondre aux questions par téléphone et, d’autre part, au cours de l’entrevue, elles ont pu taire des informations en raison de la proximité physique de la personne en cause dans la situation de maltraitance.
Au Québec, selon les données des organismes qui offrent des services directs aux personnes aînées 24, la maltraitance matérielle ou financière est régulièrement désignée comme étant la plus fréquente. On estime qu’elle sera en hausse dans les prochaines années en raison de la croissance absolue de la population âgée, de l’importance du capital financier des aînés, de l’augmentation de la vulnérabilité avec l’avancée en âge et de la sophistication des techniques employées pour soutirer de l’argent 25. Selon les données de DIRA-LAVAL, un organisme qui accueille, évalue, réfère et accompagne des personnes aînées en situation de maltraitance*, 35 % des demandes qui lui sont adressées ont trait à des abus financiers. Quant aux répondants de la ligne Info-Abus du Centre de santé et de services sociaux Cavendish, ils soutiennent que 42 % des appels qu’ils reçoivent sont liés à ce type de maltraitance 26.
Ces diverses études confirment que la maltraitance envers les personnes aînées existe bel et bien au Québec. Il importe toutefois de poursuivre les recherches pour mieux en cerner l’ampleur et en déterminer les caractéristiques.
* DIRA-Laval est un organisme qui offre des services destinés aux personnes aînées en situation de maltraitance. Il effectue plus de 4 000 accompagnements par année.
Parmi les études recensées pour décrire les caractéristiques des personnes aînées en situation de maltraitance, certaines concernent l’ensemble de la population et d’autres, une clientèle recevant des services directs. Le portrait des personnes maltraitées qui en découle peut être général ou se décliner par type de maltraitance. Aucune étude n’arrive aux mêmes résultats parce que les critères de mesure divergent de même que la population ou la clientèle des services observés. Ainsi, on trouve des personnes ayant fait l’objet d’actes de maltraitance tant dans les milieux privilégiés que dans les communautés défavorisées. De plus, en raison de leur poids démographique plus important*, les femmes seraient plus touchées que les hommes par la maltraitance. Cependant, une fois les données pondérées selon le poids démographique, les experts précisent que les hommes sont presque aussi souvent en situation de maltraitance que les femmes, mais que le dépistage s’avère souvent plus complexe dans leur cas 27. Cet état de situation pourrait être mieux documenté, ce qui permettrait de mieux adapter les programmes d’intervention 28.
S’il est difficile de cerner des caractéristiques propres aux personnes en situation de maltraitance, plusieurs études indiquent que celles-ci peuvent présenter des facteurs de vulnérabilité et qu’il peut y avoir, dans leur environnement, des facteurs de risque 29 susceptibles d’accroître la probabilité de maltraitance. Cependant, il n’y a pas nécessairement de lien de cause à effet entre ces facteurs et la présence de maltraitance 30. Ainsi, la personne qui présente des facteurs de vulnérabilité ne sera pas nécessairement maltraitée et, inversement, celle qui ne présente aucun facteur de vulnérabilité peut être atteinte s’il y a une personne au comportement violent ou négligent dans son entourage. Il est donc primordial pour les intervenants non seulement de bien évaluer la condition de la personne aînée, mais aussi d’apprécier les forces et les faiblesses de son environnement immédiat et de son environnement social, puisqu’il y a là une interaction qui peut être déterminante pour que la personne subisse des actes de maltraitance.
* Source : Selon l’Institut de la statistique du Québec, près des deux tiers des personnes de 75 ans ou plus sont des femmes. Voir Le bilan démographique du Québec, Édition 2008, p. 20.
Les facteurs de risque de maltraitance sont davantage liés à l’environnement social et humain qu’aux caractéristiques personnelles. Ainsi, lorsque les proches d’une personne aînée vivant à domicile lui prodiguent peu de soins ou de services, cela constitue un facteur de risque pour un certain type de maltraitance : la négligence 31. Les facteurs de risque les plus fréquemment mentionnés dans la littérature sont les suivants : les conflits avec des membres de la famille ou des amis 32, la cohabitation avec un ou plusieurs de ses proches, une tension dans la relation entre la personne aînée et celle qui lui donne de l’aide 33 et le fait que la personne aînée partage son domicile avec la personne qui la maltraite 34. Ainsi, la maltraitance peut se produire lorsqu’une personne constitue un fardeau pour un proche épuisé ou lorsqu’elle vit avec un proche qui lui-même a des problèmes de santé. Le simple fait de vivre isolé et d’avoir un réseau social peu développé peut aussi constituer un facteur de risque.
Les facteurs de vulnérabilité à la maltraitance sont liés à des caractéristiques personnelles telles que l’état de santé ou le comportement. Une personne est plus vulnérable si elle est affectée de problèmes de santé physique 35, de pertes cognitives ou de problèmes de santé mentale 36. La consommation de psychotropes peut jouer un rôle ainsi que le manque de contacts sociaux 37 et les difficultés comportementales ou émotives 38. Seraient plus vulnérables à la maltraitance, les personnes présentant un ou plusieurs des facteurs suivants : pertes cognitives sévères, dépression, delirium ou résistance aux soins 39. De plus, une personne aînée qui souffre de différents maux que sa condition physique ou mentale l’empêche d’exprimer peut ne pas recevoir les soins adéquats 40.
Certaines personnes aînées vivent des réalités particulières, notamment celles qui appartiennent à une communauté culturelle, celles qui peuvent subir de l’homophobie, celles qui ont une incapacité. La maltraitance qu’elles subissent revêt des formes différentes et il peut être nécessaire de recourir à des actions spécifiques pour la contrer.
Selon les données du recensement de 2006, un groupe hétérogène de 149 110 42 personnes immigrées de 65 ans ou plus (79 565 femmes et 69 545 hommes) vivent au Québec. Plusieurs d’entre elles vivent à l’écart parce qu’elles ne parlent pas la langue commune ou que leurs us et coutumes diffèrent de ceux de leur société d’accueil. Or, comme elles connaissent mal le réseau de la santé et des services sociaux, le réseau communautaire, les lois et les recours, elles doivent compter sur autrui pour interagir avec le monde extérieur. De plus, dans certains cas de sénilité, on constate que les personnes âgées peuvent oublier la langue du pays d’accueil pour parler leur langue maternelle. Cette situation s’explique par le fait que ces personnes perdent peu à peu l’usage de leur mémoire à court terme ou récente, et se souviennent donc plus facilement de la première langue qu’elles ont utilisée 43.
La première génération de personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres qui est sortie du placard et qui a milité pour la reconnaissance de ses droits passe maintenant le cap de la soixantaine. Aux difficultés habituellement liées à l’avancée en âge, tel l’âgisme, s’ajoute l’homophobie 44. Les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres sont davantage exposées à certaines formes de maltraitance telles que la discrimination, la négligence et le harcèlement 45, ainsi qu’à des difficultés supplémentaires pour obtenir des services appropriés à leur condition 46.
En 2006, les personnes aînées handicapées représentaient 32,3 % de la population québécoise de 65 ans ou plus, soit 322 240 personnes 47. En vertu de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, pour qu’une personne aînée soit considérée handicapée, elle doit avoir une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et être susceptible de rencontrer des obstacles dans l’accomplissement de ses activités courantes 48, 49. Or, selon les données, bon nombre d’aînés ont des incapacités liées à la mobilité, à l’audition, à la vision ou à l’agilité et peuvent également souffrir de douleurs chroniques 50. Ces différentes incapacités peuvent les rendre plus vulnérables à la maltraitance. Ainsi, une personne ayant une surdité ou une dégénérescence maculaire liée à l’âge* peut éprouver des difficultés importantes pour communiquer avec son entourage, ce qui a pour effet de l’isoler davantage et de la rendre plus susceptible de subir de la maltraitance. Par ailleurs, certaines personnes aînées handicapées sont particulièrement vulnérables à toute forme d’abus et de négligence du fait qu’elles dépendent d’autrui pour les activités de la vie quotidienne. Ce lien de dépendance étroit avec l’entourage peut faire qu’elles ne dénoncent pas les gestes de maltraitance commis à leur endroit. Notons enfin que, selon le type de handicap, la capacité d’adaptation et le degré de vulnérabilité peuvent être différents si l’incapacité se produit avec l’âge.
* La dégénérescence maculaire est une maladie de l’oeil qui constitue la principale cause de déficience visuelle chez les personnes âgées de 50 ans ou plus en Occident. Elle est provoquée par une atteinte à la macula qui mène à la perte graduelle ou soudaine de la vision centrale.
Les citoyens déclarés inaptes sont parmi les plus vulnérables de la société : ils sont donc particulièrement exposés à la maltraitance et ils forment de facto une population à risque. Les personnes aînées constituent déjà une part importante des populations protégées, mais cette proportion va en grandissant, et les maladies dégénératives sont désormais la première cause d’ouverture de nouveaux régimes de protection juridique. Les abus ou négligences dont elles sont victimes se rapportent généralement à leurs besoins essentiels : l’alimentation, l’hygiène, le logement, la liberté d’aller ou de venir, les soins médicaux, la médication, leur revenu…
En 2007, les Autochtones représentaient près de 1 % de la population totale du Québec, soit environ 87 250 personnes réparties en onze nations : dix nations amérindiennes et la nation inuite 51. Les Autochtones sont considérés comme des aînés dès l’âge de 55 ans, et la proportion d’aînés y est estimée à 14,7 % de la population, soit environ 12 800 personnes 52. Dans l’ensemble des communautés, certaines conditions peuvent accroître le risque de maltraitance : pénurie de logements, surpeuplement, pauvreté, isolement, toxicomanie, diminution des modes de vie traditionnels 53. La méconnaissance du français et de l’anglais, la méconnaissance des droits des personnes aînées et des recours possibles ainsi que le manque d’information sur les programmes et services constituent des facteurs de risque supplémentaires. Les aînés qui vivent hors réserve risquent, en plus, l’exclusion sociale.
Établir de façon spécifique et uniforme le profil d’une personne qui commet des actes de maltraitance s’avère complexe. Il peut s’agir d’un voisin, d’un fournisseur de services, d’un intervenant ou de toute autre personne qui est en relation avec l’aîné 54. La plupart des études 55 révèlent que les situations les plus usuelles de maltraitance à domicile sont celles qui impliquent un enfant adulte ou un conjoint. La maltraitance exercée par des proches découle souvent de dynamiques relationnelles complexes, établies de longue date. Dans un couple, elle peut se traduire par la poursuite ou la transformation d’une situation de violence conjugale 56. Dans la relation parent-enfant adulte, elle peut être le fait d’un renversement de situation à l’égard d’un parent qui a été violent ou négligent envers ses enfants, ou encore, d’une relation malsaine de codépendance entre proches 57.
Au Québec, les données du ministère de la Sécurité publique illustrent que la majorité (7 sur 10) des personnes aînées qui, en 2007, ont été victimes d’une infraction contre la personne connaissaient l’auteur présumé de l’infraction.
Type de relation | Relation avec la victime | % |
---|---|---|
Famille (30 %) |
Conjoint ou ex-conjoint | 8 % |
Enfant | 14 % | |
Autre membre de la famille immédiate | 6 % | |
Parent éloigné | 2 % | |
Connaissance (38 %) |
Simple connaissance | 29 % |
Ami, ami intime | 3 % | |
Relation d’affaires | 6 % | |
Étranger ou auteur non identifié(32 %) |
Étranger | 25 % |
Auteur non identifié | 7 % |
Source : ministère de la Sécurité publique, Québec, 2007.
Enfin, plus globalement, un autre phénomène, l’âgisme, peut avoir une influence sur l’incidence de la maltraitance. Apparenté au sexisme et au racisme, il se définit comme un ensemble d’attitudes négatives ou hostiles contre une personne ou un groupe en raison de l’âge qui peuvent entraîner des gestes préjudiciables ainsi qu’une forme de marginalisation sociale 58. L’âgisme regroupe toutes les formes de discrimination ou de ségrégation fondées sur l’âge. Dans une société où l’âgisme est répandu, il est généralement admis que le degré de tolérance à l’égard de la maltraitance est plus élevé 59. Comme l’âgisme se manifeste dans toutes les sphères de la vie, certains chercheurs concluent qu’il pourrait même affecter la mise en place de services de soutien adéquats pour les aînés en situation de maltraitance 60. Il arrive de constater que des personnes aînées ne dénoncent pas la maltraitance qu’elles subissent parce qu’elles ont, elles-mêmes, intégré à leur comportement une forme d’âgisme.
Comme le précise la définition retenue pour ce plan d’action gouvernemental, la maltraitance est un comportement causant du tort et de la détresse chez les personnes aînées. Celles-ci, en plus d’en subir des séquelles physiques temporaires ou permanentes, peuvent aussi éprouver un sentiment croissant d’insécurité, se replier sur elles-mêmes, perdre du poids, devenir malades ou anxieuses. Il arrive aussi qu’elles se sentent déprimées et confuses. Toutes ces conséquences portent atteinte à leur qualité de vie. Il en va de même pour les personnes aux prises avec la maltraitance matérielle ou financière. Leur qualité de vie se trouve affectée lorsqu’elles perdent les épargnes qui avaient été prévues pour assurer leur bien-être en fin de vie, lorsqu’elles constatent qu’elles seront incapables de redresser leur situation financière parce qu’elles avancent en âge ou encore, lorsqu’elles voient leurs conditions de vie se détériorer 61. Une augmentation de la fréquentation des urgences et une hausse du taux de morbidité associé à la violence et à la négligence sont observées dans quelques études 62. Dans certains cas, la conséquence ultime de la maltraitance peut être le suicide.
Au cours de la dernière décennie, le taux de mortalité par suicide a décliné chez les 50 ans ou plus, comme dans chacun des autres groupes d’âge, bien qu’avec moins d’ampleur que dans certains groupes. Cette baisse se produit malgré l’augmentation du nombre absolu de suicides, qui est passé, pour cette catégorie d’âge, de 378 en 2000 à 449 en 2008. Ce paradoxe s’explique par le fait que le groupe des 50 ans ou plus est numériquement de plus en plus important, ce qui entraîne une hausse du nombre absolu des suicides en dépit d’une incidence moindre du phénomène 63.
Par ailleurs, des chercheurs 64 ont établi que les suicides des 64 à 75 ans, tout comme ceux des plus de 75 ans, sont causés d’abord par la solitude, puis par des conflits interpersonnels – ce qui inclut les situations de maltraitance. Cependant, peu de travaux se sont spécifiquement penchés sur le lien entre le suicide des personnes aînées et la maltraitance 65. Ce que l’on sait par ailleurs, c’est que les personnes qui n’ont pas eu la chance de transcender une situation de maltraitance, parce qu’elles auraient été mal accompagnées par exemple, développent plus de comportements autodestructeurs que les autres, dont des idées suicidaires, d’où l’intérêt d’augmenter la vigilance à cet égard et de s’intéresser à l’ensemble du parcours de vie plutôt que de se limiter à des événements récents.
Selon une étude québécoise, la majorité des Québécois de 60 ans ou plus qui se sont suicidés présentaient peu de problèmes chroniques de santé, mais plutôt des troubles psychiatriques tels que la dépression. Également, dans plus de la moitié des cas, la personne avait consulté un praticien généraliste ou un spécialiste deux semaines avant son décès 66.
On notera que le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 – La force des liens prévoit la mise en place d’un réseau de sentinelles en prévention du suicide dans toute la province. Les milieux fréquentés par les aînés seront particulièrement ciblés, ce qui permettra de mieux détecter les personnes aînées à risque. Soulignons, de plus, que le ministère de la Santé et des Services sociaux collabore avec l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic. Cette dernière a reçu une subvention du ministère de la Famille et des Aînés afin d’élaborer un projet de réseau de sentinelles en prévention du suicide chez les personnes âgées de 50 à 64 ans. Le ministère de la Santé et des Services sociaux termine, également, la rédaction d’un guide de bonnes pratiques à l’intention des intervenants et des gestionnaires des centres de santé et de services sociaux pour qu’ils puissent repérer les personnes qui présentent un risque de suicide, dont les aînés. Enfin, par l’entremise de ses programmes, le ministère de la Famille et des Aînés continuera de subventionner des projets destinés à contrer le suicide.
Il n’existe pratiquement pas d’études permettant de documenter, de manière scientifique, les facteurs de protection contre la maltraitance. Toutefois, selon les experts consultés, une société qui veut protéger ses aînés doit savoir que les facteurs de protection sont davantage psychosociaux qu’individuels et que beaucoup d’efforts doivent être placés du côté de la prévention. Ainsi, une personne aînée sera mieux protégée si les conditions suivantes sont réunies, peu importe le type de maltraitance :
Quelles sont les approches reconnues ainsi que les outils terrain ayant fait leurs preuves dans la lutte contre la maltraitance?
Pour être efficace, l’organisation des services ne doit pas être fragmentée ou en rupture de continuité 67 et la collaboration interprofessionnelle 68 ou le travail en équipe interdisciplinaire doivent s’y pratiquer. Cette continuité interne et entre organismes soulève des enjeux de coordination, de communication, d’allocation des ressources, d’arrimage de cultures organisationnelles ou professionnelles, d’application de lois et de révision de politiques. On doit aussi pouvoir évaluer avec justesse la capacité de la personne maltraitée à émettre un jugement libre et éclairé sur sa situation et à prendre des décisions sur ce qui la concerne 69.
La formation initiale et la formation continue de l’ensemble des intervenants, la discussion de cas de maltraitance au sein des équipes interprofessionnelles et la mise sur pied d’équipes spécialisées dans certains services recevant une clientèle gériatrique sont des gages de bonnes pratiques. Idéalement, les services doivent aussi être organisés selon les besoins des aînés : hébergement temporaire (de type violence conjugale), unité de répit, counselling individuel ou de groupe, fonds de prévoyance en cas d’urgence, assistance juridique, gestion de cas, évaluation de l’état cognitif et affectif, programme de soutien direct aux aînés maltraités, services de soutien de divers ordres (y compris, notamment, l’entretien ménager et la livraison de repas) et application de mesures de protection pour les plus vulnérables 70.
En raison du sentiment de honte ou de culpabilité qui l’entoure, la maltraitance à l’endroit des personnes aînées fait partie des sujets que l’on s’interdit généralement d’aborder en société. Entourée d’un certain tabou, la maltraitance est aussi un phénomène complexe, multidimensionnel et plus répandu qu’on ne peut le soupçonner à l’heure actuelle. Plusieurs aspects de cette problématique auraient intérêt à être mieux documentés : sa prévalence, les caractéristiques des personnes qui sont maltraitées comme de celles qui maltraitent ou, encore, les facteurs qui peuvent contribuer à augmenter la vulnérabilité des aînés vivant des contextes particuliers. Nous savons par ailleurs qu’il existe des conditions, à définir ou à mettre en place, pour que les milieux soient exempts de maltraitance. Des efforts afin de faciliter la cohérence entre les divers services existants, et ce, tant à l’intérieur des organismes qu’entre organismes, constituent aussi une piste de solution à examiner.
Il y a beaucoup de services en place. Sont-ils assez connus?
Depuis une vingtaine d’années, et depuis 1976 dans le cas de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, plusieurs instances gouvernementales, parapubliques et privées se sont intéressées au phénomène de la maltraitance. Des ressources et des services ont été développés pour favoriser la prévention, mais aussi le dépistage et l’intervention. Pour accroître l’efficacité des mesures existantes et proposer des complémentarités, il convient d’abord de présenter l’offre de services actuellement disponible et, dans un second temps, de voir comment elle répond à l’ensemble des besoins.
Les aînés impliqués dans une situation de maltraitance peuvent se prévaloir de la protection prévue par la Charte canadienne des droits et libertés, qui régit les interactions entre l’État (gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux) et les particuliers (personnes et personnes morales). Il est important de noter que la Charte canadienne prémunit spécifiquement les citoyens aînés contre la discrimination fondée sur l’âge. Elle ne s’applique pas aux relations entre particuliers.
Il est également possible d’invoquer la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui permet des recours contre toute personne, institution ou entreprise contrevenant à ses dispositions. L’âge est un motif de discrimination interdit par la Charte, sauf si la distinction est établie par une loi ou un règlement. En sus de la protection accordée à toute personne, l’article 48 garantit aux personnes aînées un droit spécifique, le droit à la protection contre l’exploitation :
« Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d’être protégée contre toute forme d’exploitation. »
« Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu 71. »
Par ailleurs, les dispositions du Code civil du Québec offrent des possibilités de recours aux personnes dont les droits ont été lésés dans le cours de rapports avec d’autres citoyens ou de rapports entre des personnes et des biens. Les contrats de vente et de donation, les successions et les problèmes de logement sont notamment régis par ce Code. De plus, lorsqu’une personne est inapte à exercer ses droits civils, le Code civil du Québec prévoit quatre mesures de protection pour pallier son inaptitude : la tutelle, la curatelle, le conseiller au majeur et le mandat en prévision de l’inaptitude. Ces mesures diffèrent suivant la gravité de l’inaptitude et le fait qu’elle soit permanente ou temporaire. Elles peuvent toucher : la personne; ses biens; la personne et ses biens. D’autre part, lorsqu’il s‘agit d’actes de nature criminelle, tels que la négligence grave, le vol, l’extorsion, l’abus de confiance, les voies de fait, ce sont les dispositions du Code criminel canadien qui s’appliquent.
Finalement, un ensemble de lois plus spécifiques permet d’encadrer certaines relations ou certains droits, tels les relations entre les professionnels et les citoyens (le Code des professions 72), les droits des usagers du système de santé et de services sociaux (la Loi sur les services de santé et les services sociaux 73), les droits des victimes d’actes criminels (le Code Criminel ou la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels 74). Certaines de ces lois spécifiques complètent et précisent le Code civil. À titre d’exemples, la Loi sur le Curateur public du Québec 75, lorsqu’il s’agit de personnes inaptes, la Loi sur la Régie du logement 76, lorsqu’il s’agit de logement ou encore, la Loi sur la protection du consommateur 77, afin de punir les actes contraires à l’ordre public en matière contractuelle.
À ces assises législatives viennent s’ajouter les politiques, plans d’action, orientations stratégiques, programmes ministériels et cadres de référence dont se dotent les ministères et organismes pour organiser les services publics offerts à la population. Sans être toujours spécifiquement lié à la thématique de la maltraitance, le contenu de ces documents contribue à la mise en place de conditions propices au développement d’environnements et de milieux de vie exempts de maltraitance.
Il revient aux ministères et organismes gouvernementaux d’élaborer et de mettre en oeuvre les actions nécessaires en vue de favoriser des environnements sans maltraitance. La mission des organismes qui offrent ce type de services donnant des effets dans la lutte contre la maltraitance ne s’adresse pas toujours spécifiquement aux personnes aînées et les services peuvent diverger d’une région à l’autre. Parmi ces services, certains visent la prévention de la maltraitance. D’autres en facilitent le dépistage. D’autres encore soutiennent la possibilité d’intervention en facilitant l’identification des ressources d’aide ou l’exercice de recours administratifs (mécanismes de plainte) ou judiciaires.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux a réalisé au cours des dernières années de nombreuses actions qui contribuent à contrer la maltraitance. En voici quelques-unes.
Pour les CHSLD :
Pour les résidences pour personnes âgées :
Quelques lignes téléphoniques et organismes :
* Il faut souligner l’important travail du Centre de santé et de services sociaux Cavendish et de son équipe de bénévoles, qui ont exploité la ligne Info-Abus pendant plus de quinze ans, à raison de plus ou moins 1 000 appels par année.
Mieux utiliser nos services en les coordonnant davantage et en misant sur le travail intersectoriel.
Vers qui une personne peut-elle se tourner lorsqu’elle est impliquée dans une situation de maltraitance? Il est intéressant de constater qu’il existe de très nombreuses portes auxquelles frapper et que beaucoup d’efforts ont été consentis, notamment dans le réseau de la santé et des services sociaux, pour contrer plusieurs formes de maltraitance. Mais la véritable question demeure : parmi les personnes impliquées dans une situation de maltraitance (aînés, témoins, intervenants…), combien utilisent les services? Certaines ont peur d’une récidive ou ne veulent pas se retrouver isolées. D’autres personnes aînées ne sont pas conscientes d’être maltraitées. Enfin, certaines ne savent tout simplement pas vers qui se tourner pour recevoir de l’aide.
Lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés du Québec tenue en 2007, de nombreux participants ont demandé que l’accès aux services soit amélioré, que ces services soient mieux connus et qu’il soit possible pour les personnes aînées en situation de maltraitance de les trouver à proximité de leurs milieux de vie.
Une meilleure coordination et une plus grande harmonisation des actions ainsi que le développement d’approches intersectorielles sont autant d’avenues à explorer pour améliorer l’offre de services, tant pour les personnes aînées qui font l’objet de maltraitance que pour les personnes qui gravitent autour d’elles. La capacité à travailler de façon intersectorielle et à agir en complémentarité est un ingrédient essentiel à la réussite de ce plan d’action.
Les défis qu’aura à surmonter la société québécoise pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées sont nombreux. La deuxième partie du document expose les actions qui seront engagées pour les relever et mieux répondre aux besoins des personnes aînées touchées par la maltraitance ou de leurs proches. Les principaux enjeux du plan d’action concernent deux caractéristiques, soit la méconnaissance de la maltraitance et la complexité du phénomène, et une condition essentielle à la réalisation des objectifs gouvernementaux, soit la nécessité de renforcer le continuum de services en prévention, en dépistage et en intervention. Rappelons qu’il s’agit d’un premier plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance. D’une durée de cinq ans, il pourra être ajusté en tenant compte de l’évolution de sa mise en oeuvre. Il entraînera l’instauration de nouvelles pratiques, mais aussi une nouvelle sensibilisation et une perception différente de ce phénomène.
La maltraitance est un phénomène complexe et méconnu.
Le gouvernement a retenu diverses actions pour lutter contre le phénomène de la maltraitance, en tenant compte de deux caractéristiques inhérentes à ce phénomène : le fait qu’il est méconnu et sa complexité, et d’une nécessité : renforcer le continuum de services.
Les études pancanadiennes 83 citées précédemment nous ont permis d’avoir un aperçu de la maltraitance au Québec. Selon ces études, entre 4 % et 7 % des personnes âgées vivant à domicile sont aux prises avec une forme ou une autre de maltraitance infligée par leurs proches, en particulier sur le plan matériel ou financier, et au dire des chercheurs, le phénomène pourrait être encore plus important. Au Québec, la maltraitance demeure peu documentée. De plus amples études doivent être consacrées à ce sujet, pour mieux en cerner l’ampleur et les caractéristiques.
Par ailleurs, le phénomène de la maltraitance à l’endroit des personnes aînées est peu connu ou reconnu de la part des personnes aînées elles-mêmes, de leurs proches, des intervenants et de la population en général. La maltraitance demeure un phénomène tabou et ignoré. Il apparaît pertinent de concevoir des stratégies de communication, des outils ou encore des formations qui permettront d’accroître la vigilance par rapport à ses manifestations et à ses conséquences.
Afin de diminuer les cas de maltraitance envers les personnes aînées, il importe donc de hausser le degré de vigilance et de connaissance en cette matière, tant auprès des personnes aînées que des intervenants, des proches et de la population en général.
La maltraitance envers les personnes aînées peut prendre diverses formes. Elle peut être d’ordre physique, sexuel, matériel ou financier, psychologique ou émotionnel. Elle peut aussi prendre la forme de la violation des droits de la personne ou encore de négligence. Les personnes aînées peuvent faire l’objet de plus d’une forme de maltraitance, et ce, de la part d’un ou de plusieurs individus de leur entourage. À titre d’exemple, la maltraitance matérielle ou financière est souvent accompagnée de maltraitance psychologique ou émotionnelle. De fait, rares seraient les personnes touchées par un seul type de maltraitance.
Le profil des personnes maltraitées est tout aussi multiple que les formes de maltraitance. On trouve des personnes ayant fait l’objet d’actes de maltraitance tant dans les milieux privilégiés que dans les communautés défavorisées. Elles demeurent, indifféremment, à domicile ou en milieu institutionnel. Les femmes comme les hommes sont touchés par la maltraitance 84.
L’intervention gouvernementale en matière de maltraitance devra donc s’articuler en tenant compte de cette complexité et se dérouler dans plusieurs milieux, en différentes situations ou auprès de différents profils de femmes et d’hommes aînés.
Le gouvernement et plusieurs organismes communautaires interviennent déjà en matière de maltraitance dans toutes les régions du Québec. Leurs actions prennent diverses formes en fonction des différentes facettes de la maltraitance. Elles visent à prévenir, à dépister ou à intervenir pour lutter contre la maltraitance.
La prévention de la maltraitance vise à réduire, voire à éliminer l’incidence de ce phénomène dans tous les milieux de vie des personnes aînées. Elle repose sur la promotion de valeurs telles que le respect de la dignité humaine, sur une connaissance des causes et des facteurs associés à la maltraitance et sur la responsabilisation de tous les acteurs sociaux dans la lutte pour réduire cette problématique sociale. Elle a pour effet d’augmenter le degré de sensibilité collective et de contribuer à l’acquisition d’attitudes et de comportements respectueux envers les aînés. Elle crée un climat où les personnes concernées se sentiront plus à l’aise pour briser le silence et faire les gestes nécessaires afin que cesse la maltraitance.
Le dépistage a pour but de favoriser l’identification des personnes qui vivent une situation de maltraitance. Agir en ce sens permet aux intervenants de reconnaître les indices potentiels ou les symptômes physiques et psychologiques associés à une situation de maltraitance et de diriger les personnes vers les ressources appropriées. Un dépistage précoce prévient l’aggravation de la situation. Il crée aussi un contexte propice au dévoilement et à la dénonciation.
L’intervention prend diverses formes en fonction du type de maltraitance, du milieu de vie, de la personne qui maltraite ou de celle qui est maltraitée. Plusieurs intervenants sont donc interpellés dans l’élaboration d’approches multisectorielles et concertées. Les intervenants doivent tenir compte des besoins psychosociaux et de santé des personnes aînées, et de leurs droits. En ce sens, le respect de la capacité décisionnelle des personnes aînées demeure un objectif prioritaire.
La couverture et la coordination de l’offre de services varient d’une région à l’autre. Chaque région doit pouvoir poursuivre son action en matière de maltraitance en tenant compte de sa propre perspective. Il ressort toutefois que le continuum des services, leur complémentarité et, par le fait même, leur efficience ne sont pas assurés dans toutes les régions du Québec. Il importe donc d’harmoniser les mécanismes existants pour mieux conjuguer les efforts dans une même direction et travailler dans la complémentarité.
Pour être efficace, la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées doit nécessairement reposer sur des actions concertées et complémentaires de prévention, de dépistage et d’intervention.
Les actions de ce plan s’adressent en premier lieu aux personnes aînées, aux familles, aux proches aidants, aux experts, aux gestionnaires, au personnel du réseau de la santé et des services sociaux, aux intervenants des réseaux communautaire et d’économie sociale, à l’appareil judiciaire, mais aussi au public en général. La maltraitance faite aux personnes aînées est un problème social, chacun est donc convié à agir.
Affiner nos connaissances sur la maltraitance, joindre les aînés pour les informer, assurer la complémentarité et la cohérence des services pour mieux agir.
Le gouvernement consacrera plus de 20 millions de dollars, au cours des cinq prochaines années, afin de combattre la maltraitance envers les personnes aînées. À cet égard, quatre actions structurantes seront mises en oeuvre. Elles viendront renforcer et compléter l’action des partenaires et visent à effectuer un virage majeur dans la lutte contre la maltraitance faite aux aînés :
De plus, le soutien financier du ministère de la Famille et des Aînés à des projets d’organismes du milieu se poursuivra. Dans le cadre du budget 2010-2011, une somme supplémentaire de 4 millions de dollars a d’ailleurs été consentie afin d’augmenter le financement offert à des projets qui peuvent, entre autres, concerner la problématique de la maltraitance.Cette somme supplémentaire amène les budgets annuels de subvention pour des projets favorisant le vieillissement actif à plus de 16 millions de dollars.
Une campagne de sensibilisation grand public sera élaborée et diffusée
Cette campagne se déroulera en plusieurs phases qui tiendront compte de l’évolution de la perception au sujet de la maltraitance. L’un de ses objectifs consistera à démystifier le phénomène de la maltraitance en signalant son existence et en montrant que ce sujet ne doit plus être considéré comme tabou dans la société québécoise. La campagne présentera différentes formes de maltraitance, dont certaines qui ne sont pas toujours identifiées comme telles. Enfin, en permettant de reconnaître certains indices de maltraitance, elle amènera les gens à être plus attentifs à ses manifestations et à agir pour la contrer.
Une chaire de recherche universitaire sur la maltraitance sera créée
Le gouvernement du Québec financera la création d’une chaire de recherche sur la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées à l’Université de Sherbrooke. Cette chaire aura pour objectif d’accroître les connaissances de nos chercheurs et praticiens dans les champs de la prévention, du dépistage et des interventions. Les chercheurs pourront notamment développer leurs connaissances théoriques et empiriques sur les facteurs de vulnérabilité et de risque ainsi que sur les conséquences de la maltraitance pour les personnes qui la vivent. Ces recherches, le cas échéant, tiendront compte de l’analyse différenciée selon les sexes. Les résultats obtenus seront diffusés auprès de la communauté scientifique.
Cette chaire universitaire jouera un rôle névralgique puisque le soutien offert aux chercheurs pourra avoir des effets des plus bénéfiques pour améliorer les interventions auprès des aînés. Une attention particulière sera donc portée au transfert des savoirs aux milieux de pratique.
La Chaire diffusera les résultats de recherche au moyen d’un site Web qu’elle dédiera à la question de la maltraitance envers les personnes aînées. En plus de contribuer à assurer une veille sur ce phénomène, il visera tout particulièrement à rendre rapidement accessibles aux intervenants des données pratiques qui faciliteront et rendront plus efficaces leurs interventions.
De plus, la Chaire s’attardera, entre autres, à la question du suicide en réalisant des travaux sur ce sujet. À titre d’exemple, les travaux en question pourraient prendre la forme de la publication d’une recension des connaissances sur la thématique du suicide des aînés et de la maltraitance.
Enfin, au cours de la dernière année du plan d’action gouvernemental, un symposium regroupant des chercheurs canadiens et internationaux pourrait être organisé sous la responsabilité de la Chaire. Il contribuerait à tracer un premier bilan du plan d’action et donnerait l’occasion aux différents intervenants du milieu de la recherche d’acquérir et d’échanger des connaissances.
Les personnes aînées pourront être écoutées et référées grâce à la création d’une ligne téléphonique
Malgré l’abondance des ressources, paradoxalement, l’une des difficultés que vivent les personnes aînées maltraitées ou leurs proches est de ne pas savoir à quelle porte frapper pour obtenir de l’information, se confier et recevoir les services nécessaires. Les lieux ou services diffèrent souvent d’une région à l’autre et le manque de concertation ne permet pas de toujours bien diriger la personne vers la ressource appropriée. Le plan d’action gouvernemental soutiendra le développement et l’opérationnalisation d’une ligne téléphonique nationale d’écoute et de référence spécialisée en matière de maltraitance. Cette ligne téléphonique, sans frais, sera exploitée par le Centre de santé et de services sociaux Cavendish avec la collaboration du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Elle sera exploitée par des professionnels, offrira une écoute et assurera la référence vers les ressources appropriées, selon le type de maltraitance vécue, et ce, pour l’ensemble du Québec.
Des coordonnateurs seront mis en place dans les régions du Québec
D’une région à l’autre, des services existent, des proches apportent leur soutien, des actions se posent pour aider une personne aînée maltraitée ou à risque. Il importe, sur les plans régional et local, de favoriser la concertation et le partenariat entre les différents acteurs institutionnels, communautaires ou privés. Pour parvenir à cet objectif, une équipe de coordonnateurs régionaux sera mise sur pied dans toutes les régions du Québec. Le mandat de ces coordonnateurs consistera, notamment, à dresser un portrait des services offerts et des ressources disponibles sur leur territoire, puis à établir une relation étroite avec les acteurs du milieu de manière à assurer une efficacité accrue des services destinés à contrer la maltraitance envers les aînés.
Le mandat des coordonnateurs régionaux tiendra compte des réalités particulières que vivent certaines personnes aînées, notamment celles qui appartiennent à une communauté culturelle ou qui ont un handicap. Une approche ciblée devra aussi être élaborée concernant la situation des personnes aînées autochtones.
Unir nos efforts pour mieux prévenir, dépister et intervenir.
D’autres mesures viendront se conjuguer aux actions structurantes prévues. Ces mesures constituent aussi des solutions que le gouvernement veut mettre en avant afin de contrer le phénomène de la maltraitance envers les aînés. À leur tour, elles influent sur la méconnaissance du phénomène, prennent en compte sa complexité et soutiennent la nécessité de développer ou de renforcer les actions sur une base concertée.
En plus des travaux de la Chaire sur la maltraitance envers les personnes aînées, d’autres seront menés afin de mieux cerner le phénomène de la maltraitance faite aux aînés, et ce, dans la perspective d’améliorer les différentes interventions visant à le contrer :
Diffuser des données statistiques afin de mieux saisir l’ampleur du phénomène de la maltraitance
Le ministère de la Sécurité publique a diffusé en juin 2009 un bulletin d’information concernant les statistiques policières sur la criminalité envers les personnes aînées pour les années 1997 à 2007. Ce bulletin sera mis à jour régulièrement. Bien qu’il soit convenu que ces données puissent être parcellaires parce que les personnes aînées hésitent à dénoncer quelqu’un ou même à fournir des renseignements pouvant donner lieu à des poursuites, elles donneront un aperçu de l’ampleur de la maltraitance, du profil des victimes et permettront de suivre l’évolution du phénomène.
De plus, un ou des indicateurs seront conçus par le ministère de la Santé et des Services sociaux afin de connaître la nature et la proportion des divers types de maltraitance, et ce, également pour les personnes qui vivent des réalités particulières. Par ailleurs, un relevé des indicateurs de surveillance existants sur la maltraitance envers les personnes aînées sera rendu disponible.
Par la recherche des meilleures pratiques en habitation
Dans le secteur de l’habitation, un projet impliquant des sentinelles qui veillent à ce que tout se passe bien chez une personne âgée isolée ou malade a été réalisé. Cette expérience amène la Société d’habitation du Québec à recenser les bonnes pratiques dans le milieu du logement social et communautaire. Par la suite, ces pratiques seront diffusées auprès des administrateurs et des intervenants du parc de logement social et de l’ensemble des partenaires.
En documentant la situation à l’égard des personnes aînées handicapées…
Sous la supervision de l’Office des personnes handicapées du Québec, des travaux seront réalisés afin de documenter la problématique de la maltraitance envers les personnes aînées handicapées. Ils procureront une meilleure connaissance du phénomène, qui pourra servir notamment à mieux orienter les interventions auprès de ces personnes.
… et des communautés culturelles
Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles partagera avec le Secrétariat aux aînés ses connaissances et son expertise dans des activités de recherche concernant les aînés des communautés culturelles.
La ligne téléphonique offrira la possibilité à toute personne aînée d’obtenir de l’écoute et de l’information sur les divers services offerts dans toutes les régions du Québec. D’autres actions renforceront la portée de la ligne téléphonique en offrant de l’information plus spécifique sur divers sujets.
Pour que les personnes aînées soient mieux armées contre la maltraitance, il est primordial qu’elles connaissent leurs droits. Des outils d’information permettant de mieux faire connaître les services offerts par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et les recours disponibles seront réalisés. Le ministère de la Justice du Québec verra, également, à ce que de l’information sur les droits, services et recours disponibles dans le réseau de la justice (par exemple : CAVAC*, ligne 1 800 Agression sexuelle, S.O.S. Violence conjugale et Juriguide) soit diffusée. Pour sa part, l’Office des personnes handicapées du Québec informera les personnes aînées handicapées et leur famille de l’existence de mécanismes de plaintes et de recours en cas de maltraitance. Le Curateur public du Québec informera la population sur les services et les recours offerts aux personnes inaptes en situation de maltraitance, notamment en produisant des outils de communication et en participant à des événements publics. Il verra également à ce que le citoyen soit informé des dispositions que devraient comporter les mandats donnés en prévision de l’inaptitude, pour s’assurer du respect de ses droits et d’une protection adéquate de son patrimoine dans le cas où il deviendrait inapte.
CAVAC :* Centres d’aide aux victimes d’actes criminels.
Dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce sont les centres de santé et de services sociaux qui constituent l’assise des services de proximité. Parce qu’il s’agit d’un des premiers endroits où il faut s’adresser pour obtenir de l’information et du soutien, il importe que la population aînée soit mieux informée des services qu’on y offre en matière de maltraitance. Le ministère de la Santé et des Services sociaux donnera de l’information sur les services offerts dans son réseau pour mieux prévenir, dépister et intervenir en matière de maltraitance, ainsi que sur les façons d’accéder à ces services. À titre d’exemple, il demandera aux commissaires aux plaintes locaux de donner de l’information aux usagers vivant à domicile et en hébergement public.
Les intervenants ont un rôle indéniable pour assurer la réussite du présent plan d’action. Il faut donc les outiller et leur donner une formation appropriée pour qu’ils sachent comment agir peu importe le type de maltraitance en cause.
Les différents intervenants qui sont en contact avec les personnes aînées ont un rôle primordial à jouer dans des situations de maltraitance. Leur travail sera facilité et leurs interventions seront plus efficaces s’ils ont été sensibilisés aux diverses manifestations de la maltraitance et aux pratiques visant à la contrer, et ce, dès leur formation initiale. C’est dans ce but que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport diffusera de l’information sur ce phénomène auprès des établissements de formation professionnelle, technique et universitaire, au profit du personnel enseignant ainsi que des étudiantes et étudiants des programmes de formation pertinents. Ce ministère collaborera, le cas échéant, à différentes démarches du ministère de la Famille et des Aînés auprès des instances des réseaux de l’éducation concernant l’information ou la formation des milieux. Il participera également à la diffusion auprès des établissements de formation concernés des outils validés de sensibilisation ou de formation produits par le ministère de la Famille et des Aînés ou ses partenaires.
Le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de la Justice du Québec et le Curateur public du Québec élaboreront des formations pour les intervenants dans leur réseau respectif. À titre d’exemple, les personnes à l’oeuvre dans les CAVAC pourront ainsi approfondir leurs connaissances sur la maltraitance envers les aînés. Soulignons que le ministère de la Sécurité publique mettra à jour le Guide des pratiques policières en y incluant des notions actuelles sur la prévention et l’intervention en matière de maltraitance envers les personnes aînées. Cette mise à jour fera l’objet de promotion afin de s’assurer que les policiers soient sensibilisés au phénomène.
Certains intervenants sont liés par le secret professionnel. Le ministère de la Justice du Québec préparera des contenus de formation spécifiques sur les dispositions législatives permettant la divulgation de renseignements confidentiels lorsque la sécurité d’une personne aînée est menacée. Cette initiative se réalisera en collaboration avec les ordres professionnels concernés dans l’objectif d’assurer que les règles applicables soient connues et comprises, de façon à inciter à la dénonciation dans les cas où la vie ou l’intégrité d’une personne aînée est menacée.
Le ministère de la Justice du Québec mettra également au point des outils et des exemples afin de soutenir les professionnels aux prises avec des situations où ils doivent respecter leurs obligations en matière de secret professionnel tout en s’assurant de protéger la sécurité des personnes aînées.
Certaines actions pourront être renforcées ou appliquées à plus large échelle afin de mieux contrer la maltraitance. Encore une fois, ces actions tiennent compte du fait que la maltraitance est méconnue et qu’elle peut prendre plusieurs formes.
Les établissements du réseau de la santé et des services sociaux se retrouvent bien souvent en première ligne lorsque des situations de maltraitance sont découvertes. Les actions de prévention, de dépistage ou d’intervention qui peuvent alors être posées sont déterminantes pour la personne aux prises avec des actes de maltraitance. En ce qui a trait à l’organisation des services, le ministère de la Santé et des Services sociaux élaborera des balises en matière de maltraitance. Il s’assurera que les centres de santé et de services sociaux offriront une intervention comportant de l’évaluation, de l’orientation, de la référence adéquate aux personnes selon le type de maltraitance. Les balises seront prises en compte dans les plans régionaux en santé publique et dans les plans d’action régionaux Perte d’autonomie liée au vieillissement ainsi que dans certains projets cliniques.
De plus, le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans le cadre des travaux de révision de la réglementation portant sur la certification des résidences privées, verra à s’assurer que la procédure en matière de gestion des risques crée l’obligation pour ces ressources de déclarer auprès des instances concernées tout incident ou tout accident portant atteinte à la sécurité et au bien-être d’un résident et à divulguer l’événement à la famille.
Il importe de rappeler que, au regard des événements entourant le décès d’une personne, la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès (L.R.Q. c. R-0.2) précise que « … toute personne doit aviser immédiatement un coroner ou un agent de la paix d’un décès dont elle a connaissance lorsqu’il lui apparaît que ce décès est survenu dans des circonstances obscures ou violentes… » (art. 36). De plus, tout décès doit faire l’objet d’un Constat de décès dûment réalisé par un médecin en vertu du Code civil du Québec. Ainsi, tous les décès font l’objet d’une déclaration et, dans des circonstances obscures ou violentes, ces derniers font l’objet d’un avis au coroner.
Les personnes aînées inaptes sont parmi les plus vulnérables de la société et forment une proportion croissante des personnes sous régime de protection juridique. Pour qu’elles puissent compter sur une protection adéquate, le Curateur public du Québec élaborera une politique et un plan d’action qui assureront une surveillance plus efficiente des régimes de protection privés. De plus, le renforcement de son équipe d’enquêteurs au cours de la prochaine année lui permettra de mettre fin plus rapidement aux abus de toutes natures envers les personnes âgées inaptes. Cette équipe aura aussi pour rôle de soutenir l’application de l’entente conclue en 2006 entre le Curateur public du Québec et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au sujet du traitement des plaintes et des signalements concernant les personnes inaptes et vulnérables.
Par ailleurs, le Curateur public du Québec poursuit sa réflexion sur l’actuel dispositif de protection des personnes inaptes. Avec ses principaux partenaires gouvernementaux ou associatifs, il vise, entre autres, à s’assurer que les personnes inaptes de demain auront accès à des mesures de protection répondant à leurs besoins, qui préserveront le plus possible leur capacité à exercer leurs droits et leur autonomie tout en renforçant les mécanismes destinés à contrer les abus.
Le ministère de la Sécurité publique encouragera le partenariat et la mise au point de protocoles d’intervention entre le corps de police et différents intervenants afin d’assurer aux personnes aînées en situation de maltraitance un accès rapide à l’aide requise. Il fera la promotion, également, de la visibilité des policiers dans la communauté et dans divers regroupements d’aînés, afin d’augmenter le sentiment de sécurité des personnes aînées.
La maltraitance étant un sujet tabou, les personnes aînées maltraitées ont peine à se confier et encore davantage à poursuivre la personne qui les maltraite. Le ministère de la Justice du Québec est conscient de ce problème et désire mettre en avant différents moyens pour faciliter les processus et les procédures de gestion ainsi que le règlement de situations conflictuelles impliquant une personne aînée victime de maltraitance. Il formera à cette fin un groupe de travail dont le mandat sera d’explorer des modes différents de résolution de conflits, telle la médiation, de façon à recommander des pistes pour constituer de tels services, notamment en région.
Le directeur des poursuites criminelles et pénales du ministère de la Justice du Québec mettra à jour des directives à l’intention des procureurs aux poursuites criminelles et pénales pour y inclure une référence au droit à l’information des victimes aînées lors de négociation de plaidoyer et de la remise d’audition de la cause, le cas échéant. De plus, ces directives prévoient d’ajouter les organismes venant en aide aux personnes aînées comme bénéficiaires de la contribution pénale ordonnée par le tribunal.
Un groupe de travail regroupant plusieurs intervenants, notamment le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, le Curateur public du Québec et la Chambre de la sécurité financière, a été constitué dans le but d’examiner l’encadrement normatif régissant les procurations bancaires, les comptes en fidéicommis et les mandats de gestion afin d’accroître la protection des consommateurs. À cet égard, une attention toute particulière sera accordée aux personnes aînées. Ce groupe de travail est mené par l’Autorité des marchés financiers.
La mise sur pied d’une équipe de coordonnateurs régionaux constitue une pierre d’assise pour ce plan d’action. Il s’agit d’assurer une meilleure efficacité des ressources déjà en place et de celles à venir en augmentant leur complémentarité et leur concordance. Assurer un continuum de services, c’est s’assurer que les personnes aînées aux prises avec la maltraitance pourront trouver de l’aide quels que soient leurs besoins. Les actions suivantes visent à renforcer les effets que pourra avoir la mise en place des coordonnateurs régionaux.
Dans son document Plan d’action 2005-2010 sur les services aux aînés en perte d’autonomie : un défi de solidarité, le ministère de la Santé et des Services sociaux a inscrit la mise en place, dans chaque territoire de centre de santé et de services sociaux, d’une table multisectorielle locale visant « à contrer les abus, la maltraitance et l’exploitation financière à l’endroit des personnes aînées ». Le mandat de ces tables locales est de mettre en oeuvre, au sein de leur territoire, des stratégies destinées à favoriser la prévention, le dépistage et l’intervention en matière de maltraitance. Ces tables, qui constituent des lieux de concertation, s’avèrent de toute première importance pour établir les besoins et les priorités et pour offrir du soutien aux personnes aînées qui en ont besoin. Le ministère de la Santé et des Services sociaux veillera à compléter la mise en place des tables. Les coordonnateurs régionaux travailleront en étroite collaboration avec celles-ci afin d’assurer une offre de services cohérente dans leur région respective.
Le ministère de la Famille et des Aînés constituera un forum des partenaires non gouvernementaux. Celui-ci, composé de représentants d’aînés, de groupes communautaires ou de tout autre groupe concerné, verra au maillage des connaissances et des bonnes pratiques ainsi qu’à l’harmonisation des actions entre les différents milieux. En discutant de thématiques liées au plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, les participants à ce forum permettront au gouvernement d’entretenir un dialogue et une connaissance commune avec ces partenaires au sujet de la mise en oeuvre du plan d’action gouvernemental et des réalisations qui en ont résulté.
Le ministère de la Famille et des Aînés présidera un comité interministériel composé de ministères et d’organismes concernés par la lutte contre la maltraitance. Chaque ministère ou organisme membre de ce comité sera responsable des mesures du plan d’action qui lui incombent ainsi que de la prise en compte du phénomène de la maltraitance dans les politiques et les plans d’action de son secteur. Ce plan d’action se déroulant sur une période de cinq ans, les mesures qui s’y rattachent pourront évoluer en fonction des besoins en matière de lutte contre la maltraitance. Cette évolution fera aussi l’objet de discussions au comité interministériel. Celui-ci jouera un rôle majeur dans l’implantation des coordonnateurs régionaux en maltraitance, qu’il soutiendra, notamment en facilitant tout particulièrement l’intégration du rôle des coordonnateurs dans les réseaux régionaux respectifs des ministères.
La lutte concertée contre la maltraitance a déjà produit des résultats.
Plusieurs actions réalisées au cours des dernières années contribuent déjà à contrer la maltraitance envers les personnes aînées et valent la peine d’être mentionnées. En voici quelques-unes.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a mis en place une équipe d’intervention spécialisée en matière de lutte contre l’exploitation des personnes aînées. Cette équipe mobile est composée d’enquêteurs spécialisés et d’un conseiller juridique. Elle a un pouvoir d’enquête et d’intervention et elle est à l’oeuvre sur l’ensemble du territoire québécois.
Le dépliant Trop beau pour être vrai? Méfiez-vous! Protégez-vous de la fraude financière a été élaboré et diffusé dans le cadre de la collaboration entre l’Autorité des marchés financiers et le ministère de la Famille et des Aînés. Plus de 50 000 dépliants ont ainsi été distribués à travers le Québec et le document a dû être réimprimé.
Depuis 2007, plus de 3 millions de dollars ont été investis par le ministère de la Famille et des Aînés pour des projets ayant trait à la maltraitance et au suicide. Ces programmes ont soutenu, entre autres, les projets de sensibilisation à la maltraitance envers les personnes aînées, la mise en place de points de service permettant d’offrir de l’information et de l’accompagnement aux personnes aînées en situation de maltraitance et la mise en place d’un réseau de sentinelles pour prévenir et dépister la maltraitance.
Le Ministère a aussi soutenu l’expérimentation d’un projet visant à former des sentinelles pour qu’elles soient aptes à détecter les signes précurseurs du suicide chez les personnes aînées et à diriger ensuite ces personnes vers les ressources qualifiées, voire à les y accompagner. Si l’expérience s’avère concluante, ce projet pourrait être étendu.
Par ailleurs, afin de contrer l’homophobie, le ministère de la Famille et des Aînés a investi 520 000 $ au cours de l’année 2009 pour des projets visant à favoriser l’épanouissement des personnes aînées lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres et le respect à leur égard.
En mars 2010, le gouvernement a lancé une vaste campagne contre les agressions sexuelles qui s’adresse tant au public en général qu’aux personnes handicapées et aux personnes aînées. Un dépliant a été réalisé à cet effet : Les agressions sexuelles contre les personnes aînées existent et marquent profondément… Soyons vigilants. Ce dépliant, adapté à la réalité des femmes et des hommes aînés, vise à les aider à se protéger adéquatement contre les abus sexuels. Il mentionne les endroits où ils peuvent obtenir de l’aide. Il est distribué, entre autres, auprès de divers organismes.
Le succès de la mise en oeuvre du présent plan d’action repose tout particulièrement sur la capacité des partenaires nationaux, régionaux et locaux de se concerter et de se mobiliser afin que l’offre de services entourant la maltraitance envers les personnes aînées couvre adéquatement tous les aspects du continuum de services, et ce, sur l’ensemble du territoire du Québec.
Les ministères qui ont participé à l’élaboration de ce plan d’action poursuivront leur implication. Chacun d’eux est responsable de ses engagements, de leur progression et de leur évaluation. Les résultats des différentes évaluations ministérielles seront mis en commun et feront l’objet d’une analyse transversale, ce qui permettra d’avoir une vue d’ensemble sur la mise en oeuvre et sur les effets mesurables du plan d’action. Le travail d’évaluation sera coordonné par le ministère de la Famille et des Aînés. Le comité interministériel accompagnera le Ministère dans ces travaux d’évaluation.
De plus, à l’initiative du ministère de la Famille et des Aînés, des rencontres ponctuelles et de suivi seront tenues avec les coordonnateurs régionaux afin d’assurer le partage d’expériences et d’information dans la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées. Ces rencontres seront l’occasion de faire le point sur l’avancée des travaux des coordonnateurs régionaux. Elles permettront, également, de transmettre de l’information aux coordonnateurs ou encore de leur offrir des formations visant à optimiser leurs actions en régions.
Enfin, les intervenants qui travaillent auprès des personnes aînées sont indispensables dans la lutte pour contrer la maltraitance. Dans certains cas, ils peuvent la prévenir ou la dépister, dans d’autres, ils peuvent s’interposer et secourir une personne en danger. Il importe qu’ils disposent d’un mécanisme pour s’informer et échanger avec leurs pairs au sujet de leur pratique. Un colloque sera donc organisé à leur intention sous la responsabilité du ministère de la Famille et des Aînés. Comme les rencontres organisées pour les coordonnateurs régionaux, le colloque visera à renforcer la cohésion et la qualité des interventions qui touchent les aînés
Le Québec vit actuellement un défi démographique sans précédent. Sa population de personnes âgées de 65 ans ou plus s’accroît beaucoup plus rapidement que dans la plupart des pays qui doivent s’adapter au vieillissement de leurs citoyens. Dans un tel contexte, il importe de favoriser la pleine participation économique, sociale et civique des personnes aînées.
Le présent plan d’action pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées s’inscrit dans la volonté gouvernementale d’assurer un vieillissement actif. Il a l’ambition de contribuer à augmenter le degré de vigilance et de connaissance sur le phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées, de renforcer et de mettre en oeuvre de façon plus large des actions qui tiennent compte de sa complexité et d’assurer un continuum de services permettant de prévenir la maltraitance, de dépister les personnes qui pourraient être touchées et d’intervenir pour y mettre fin.
Ce plan d’action a été bâti en tenant compte de ce qui existe déjà comme orientations, politiques, programmes, interventions sur le terrain. Il est en quelque sorte le fruit de nombreux efforts déjà fournis sur les plans national, régional et local pour lutter contre la maltraitance. Il tente cependant de mettre en lumière des enjeux importants et trace le chemin qu’il nous reste à parcourir pour que nos interventions produisent les effets nécessaires et souhaités.
L’atteinte des résultats visés ne saurait se réaliser sans une mobilisation de tous les partenaires. Treize ministères et organismes jugent pertinent de travailler ensemble pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées. Une telle démarche concertée en matière de maltraitance est notable.
La maltraitance envers les personnes aînées est un problème de société, chacun est concerné, le gouvernement du Québec trace la voie par ce plan d’action. Pour arriver à contrer la maltraitance envers les personnes aînées, les efforts de tous seront nécessaires.